vendredi 27 avril 2007

Les Papeteries Darblay

A Corbeil-Essonnes, caché, oublié depuis une décennie derrière des palissades, un patrimoine unique risque de mourir. Les anciennes papeteries dites de la "Chapelle Darblay" sont en phase d'être balafrées, dévorées par les bulldozers, un pan entier d'histoire est au bord de l'oubli irrémédiable, assassiné d'un claquement de doigt, un crime, un vrai.
Implantée au début du 18ème siècle, et largement étendue au 19ème, la papeterie offre un panel unique de bâtiments historiques, rares témoins franciliens de la révolution industrielle, avec, et c'est vraiment ce qui la rend exceptionnelle, un noyau construit à la fin du 19ème ayant échappé à toute modernisation et formant un paysage urbain qui de part sa situation représente un potentiel de réhabilitation unique ou la seule chance de créer un petit centre d'activités tant l'usine est un ensemble architectural cohérent : la patine de ces vieux murs ocre rose, les passerelles, les rues, le passage de l'Essonne formant une véritable petite ville. Les urbanistes et les éventuels aménageurs n'ont finalement plus qu'à se pencher et à ramasser ce qui a été fait. Les meilleures réhabilitations sont bien souvent d'ailleurs admirées à cause des monuments originels plutôt que pour leur aspect final "rénové".

Système de voies ferrées étroites aujourd'hui unique en son genre

Injustement intégrées dans un arrêté de péril qui concernait les bâtiments situés en périphérie nord-est du site, les parties les plus anciennes de la papeterie, certes pas les plus intéressantes car modifiées, viennent d'être détruites. Est-ce un premier pas vers une destruction totale de l'usine ? En tout cas c'est une première négation de l'idée de préservation d'un site en tant qu'ensemble, c'est inquiétant d'autant plus qu'un des bâtiments concernés (celui de la première machine à papier) était en excellent état et n'appelait à aucune démolition immédiate. Il est incroyable que dans la hâte on se permette de faire table rase au lieu d'attendre tout simplement.

Ce patrimoine bâti et particulièrement le patrimoine industriel si méconnu, a cela de tragique qu'une fois disparu il ne témoignera plus jamais de ce qu'il a été, de ce que la ville aurait pu être. Darblay est directement pour Corbeil ce que les Halles ont été pour Paris, à la différence même que 30 ans se sont écoulés et que tant de massacres patrimoniaux ont d'ores et déjà été commis, que toute erreur contemporaine est impardonnable. Aux démolitions se sont souvent ajouté un manque d'idées, une politique de préservation trop souvent peu audacieuse et ne pesant aucun poids en comparaison des enjeux financiers, certains quartiers en demeureront les victimes. C'est un non sens de détruire ou de défigurer ce autour de quoi une ville a été construite. Particulièrement ces cités développées à l'ère industrielle, qui ne possèdent pas de patrimoine monumental antérieur, ni château ni cathédrale. Il faut voir ce que sont devenues certaines villes lorraines ou wallonnes comme Longwy ou La Louvière quand en Allemagne, dans les mêmes circonstances l'héritage industriel sert d'atout.

La qualité architecturale, l'emplacement, le caractère même "réhabilitable" de la papeterie n'admettent aucune excuse pour la démolir.

A ce titre, ce joyau patrimonial et architectural ne doit pas disparaître. Par miracle Corbeil-Essonnes a encore le choix.

Vue des bâtiments de la nouvelle usine. Les couleurs, l'architecture et l'état de
ruines romantiques ne sont pas sans rappeler la Vénétie ou encore la Toscane.

Pour plus d'informations historiques et techniques, vous pouvez vous référer au site de Jean-Paul : http://perso.orange.fr/derelicta/chapdarb.htm

Libellés : , ,

2 commentaires:

Anonymous Marnina a dit...

People should read this.

27 octobre 2008 16:21  
Blogger Nomad a dit...

Malheureusement toutes les bonnes intentions et quelques tentatives n'auront pu éviter l'inévitable. Aujourd'hui la logique mercantile à court terme a une fois de plus prévalu, et le site est en train de disparaître sous les coup des pelleteuses.
L'histoire retiendra le nom du meurtrier : Serge Dassault, maire de Corbeil-Essonnes. Les amoureux du site n'ont plus que leurs photos pour les plus chanceux, et leurs yeux pour pleurer ...

27 avril 2009 20:52  

Enregistrer un commentaire

<< Accueil